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Pourquoi la région de San Francisco est-elle l’épicentre de l’univers des start-ups ?
Dernière mise à jour 1 février 2015
Cette publication est un extrait de Startupland: How Three Guys Risked Everything to Turn an Idea Into a Global Business écrit par Mikkel Svane, le fondateur de Zendesk. Il s’interroge ici sur l’attractivité de San-Francisco quand il s’agit de start-ups.
Quel sera le prochain vivier de start-ups ? C’est le débat éternel sur la toile. De nouvelles villes ne cessent d’entrer dans l’arène : San Diego ! Denver ! Dallas ! Portland ! Seattle ! Toutes les villes d’Oklahoma à Omaha, de Miami à Memphis font leur apparition, et des villes aussi diverses que Bangalore, Boulder, Toronto et Tel Aviv sont acclamées comme meilleures que Silicon Valley et San Francisco.
Et bien que ce sentiment anti-Silicon Valley et cette approche à contre-courant fassent couler beaucoup d’encre, pour bon nombre d’entre nous, la région de San Francisco est indétrônable. En effet, une confluence de plusieurs éléments fait qu’elle reste inégalée : son histoire, ses talents, son système universitaire, sa communauté d’investisseurs et son climat (il ne faut JAMAIS sous-estimer l’attraction qu’exerce le climat unique de notre région).
Et je suis d’accord. Du fond du cœur. Mais ce qu’on oublie souvent, et qui pourtant est unique au monde, c’est l’état d’esprit inimitable qui y règne. C’est lui qui assure à la région de San Francisco son statut éternel de capitale mondiale des start-ups.
Il y a sept ans, j’ai lancé Zendesk avec deux amis, dans un appartement de Copenhague, au cinquième étage sans ascenseur, avec une porte en guise de table et peu de chaises confortables. Nous avions tous entre 35 et 40 ans et nous nous inquiétions de ne plus avoir beaucoup de temps devant nous pour faire quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur. Nous pensions devoir changer nos vies avant qu’il ne soit trop tard.
Je ne peux pas vraiment dire que nous projetions de lancer une entreprise, car à ce stade, ce n’était pas le cas. Notre ambition n’était pas d’embaucher beaucoup de monde, de construire d’énormes bureaux ni d’entrer en bourse, nous poursuivions simplement une idée. Nous venions de l’univers chaotique du service clientèle, nous connaissions ses nombreux points faibles et nous pensions pouvoir l’améliorer grâce à un logiciel agréable à regarder et facile à utiliser.
Nous ne voyions pas en grand, peut-être parce que nous n’avions jamais appris à le faire. Nous n’avons pas grandi dans unenvironnement poussant à l’ambition et à l’audace. Se satisfaire de son sort était notre enseignement. Et en tant que Danois, notre sort était plutôt agréable, pour de nombreuses raisons. Le Danemark est le pays où les gens sont les plus heureux au monde. Les soins de santé et les écoles sont gratuites, le chômage reste bas et un véritable sentiment de sécurité prévaut. Tout le monde habite à moins d’un quart d’heure de marche d’un parc, peut profiter de la vie au grand air et, le statut professionnel ayant si peu d’importance, il n’y a guère de pression pour travailler dur. En outre, du fait des nombreuses prestations sociales, il n’est pas nécessaire de gagner beaucoup.
Mais ce style de vie ne résulte pas uniquement du système socio-économique. Dès leur plus tendre enfance, les Scandinaves baignent dans la « loi de Jante », une mentalité valorisant la modestie. Dès notre plus jeune âge, on nous martèle « reste à ta place, ne pense pas être meilleur que quiconque ». Contrairement à la culture américaine, la culture danoise n’incite guère se distinguer. Elle se base sur une philosophie dans laquelle le mieux est de se fondre dans la masse. De toute évidence, cela n’encourage pas l’esprit d’entreprise. Or, bâtir une entreprise de zéro, cela demande beaucoup de travail.
Et au Danemark, rien n’incite à travailler dur. Suivre un chemin différent ne rapporte rien et aucun système n’est en place pour aider ceux qui font ce choix. Le Danemark ne dispose tout simplement pas des infrastructures nécessaires pour aider une nouvelle start-up à se lancer. On ne trouve pas le même genre de talents, que ce soit en termes de nombre ou d’expérience. On ne bénéficie pas du même accès au capital (il n’y a pas d’accès à un capital véritablement audacieux encourageant la prise de risques).
Nous avions conscience que Zendesk ne pourrait pas devenir ce dont nous rêvions si nous restions à Copenhague. Au fil des longues heures de travail dans notre appartement et en voyant le succès du produit auprès des clients, nous avons commencé à vouloir plus, que ce soit pour nous-mêmes ou pour notre petite start-up. En chemin, nous avons attrapé la fièvre du rêve américain et le virus technologique.
Nous avons alors décidé de nous envoler pour l’Amérique pour avoir de meilleures chances de réussir. Notre aventureaméricaine a commencé à Boston car c’est là que se trouvaient nos investisseurs, Charles River Ventures. Nous y avons rencontré des gens qui nous ont aidés à construire cette entreprise et qui sont encore à nos côtés, mais nous savions que nous ne résisterions pas longtemps à l’appel de San Francisco, où de nouveaux investisseurs nous attendaient et où l’entreprise pourrait vraiment prendre son envol.
Au cours de mes voyages sur la côte Ouest, j’ai vite compris la différence. Oui, les bureaux équipés qui n’attendaient que nous, les talents exceptionnels et le climat extraordinaire ont pesé dans la balance, mais il y avait autre chose. Quelque chose de plus difficile à quantifier. Quelque chose de moins tangible. Une impression. Un véritable sentiment d’appartenance. Les personnes que j’ai rencontrées sur la côte Ouest étaient toujours prêtes à prendre des risques et à accepter de repartir de rien. On y trouve une mobilité bien plus importante qu’ailleurs, et votre passé et vos acquis ne comptent guère.
Cette propension à tout abandonner pour recommencer semble parfois presque violente. Mais c’est comme ça que de grandes choses voient le jour. Faites table rase du passé. Repartez de zéro. Réinitialisez. Pensez au privilège de découvrir votre vrai talent, de pouvoir vous y consacrer et de vivre à un endroit fait pour des gens comme vous, où tout l’écosystème est fait pour des gens comme vous : un monde dans lequel vous et votre équipe êtes le centre de l’univers.
Il ne fallut pas longtemps pour que San Francisco devienne tout mon univers. Son énergie s’accordait à nos aspirations non- conformistes et sa singularité emblématique nous correspondait parfaitement. Sans parler de la beauté-même du lieu. Mon accent et mon émerveillement trahissent peut-être encore le fait que je ne suis pas d’ici, mais pour moi, il n’y a aura jamais aucun doute : au pays des start-ups, je me sens chez moi.