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La colère au travail — comment se mettre en colère de la bonne manière

Il nous est déjà tous arrivé de nous mettre en colère au travail. Découvrez comment canaliser cette colère pour mettre en action des changements positifs.

Par Erin Hueffner

Dernière mise à jour 30 novembre 2021

Lorsque l’on parle de colère au travail, les premières images qui viennent à l’esprit sont celles de patrons faisant une crise de nerfs ou de réunions où tout le monde hurle. C’est pourquoi notre première réaction face à quelqu’un qui se met en colère au travail est de nous refermer sur nous-mêmes. La colère est souvent perçue comme une émotion « négative », une émotion qui provoque le désordre. D’ailleurs, on entend souvent dire qu’il ne faut pas exprimer ses émotions au travail car ce n’est pas professionnel.

Or, ces idées ne correspondent pas à la réalité, et tous les types de colère ne se valent pas. Quoiqu’on en dise, les gens se mettent en colère au travail – et ils laissent transparaître leurs sentiments. Une enquête menée par Monster.com a révélé qu'environ 83 % des personnes interrogées ont déjà pleuré au travail, et près de la moitié d’entre elles déclaraient avoir pleuré à cause d’un responsable ou d’un collègue. Et ces chiffres ne tiennent pas compte du stress supplémentaire provoqué par la pandémie.

Personne n’aime se mettre en colère. Pourtant, il est impossible de l’éviter complètement.
Parfois, la colère peut agir comme un moteur de changement.

Pourquoi les employés se mettent-ils en colère ?

Essayons de comprendre d’abord ce qui provoque cette colère. Nous nous mettons en colère parce que nous sommes humains. « Face au culte du bonheur ambiant, il ne reste plus de place pour les émotions négatives. Mais éliminer la colère n’est pas un objectif réaliste », explique Amy Gallo, auteure du HBR Guide to Dealing with Conflict. Il n’y a aucune raison pour que nous ne ressentions pas de colère au travail. C'est un endroit où nous faisons face à des frustrations, où nous menons des conversations difficiles et où notre ego est en jeu. Il va de soi que nous allons éprouver des émotions comme la colère et la tristesse.

Nous passons la majeure partie de notre journée au travail, et beaucoup d’entre nous s’identifient à ce que nous faisons. Le travail peut être motivant, stimulant et passionnant. Mais le stress au travail est aussi « de loin la plus grande source de stress pour les Américains adultes », selon The American Institute of Stress.

Le stress au travail est « de loin la plus grande source de stress pour les Américains adultes », selon The American Institute of Stress.

En plus du stress quotidien, il existe des déclencheurs de colère fréquents au travail. La plupart d’entre eux sont dordre relationnel : conflit avec les collègues, favoritisme de la direction et sentiment d’exclusion. Certains problèmes, comme le harcèlement, l’intimidation ou la discrimination, peuvent être graves.  Mais il arrive aussi que la colère soit liée au travail lui-même : frustration de ne pas avoir été considéré pour une promotion ou ressentiment concernant ses responsabilités.

Nous savons que la colère n’a rien de bon sur le plan commercial. Une colère omniprésente peut nuire au moral des employés. Et lorsqu’elle s’envenime, la colère peut créer un environnement de travail toxique qui pousse les gens à démissionner. L’organisation Gallup a découvert qu’un employé sur deux quitte son travail pour fuir un responsable et améliorer sa qualité de vie. Cela signifie qu’un mauvais responsable peut vous rendre littéralement malade, mais aussi que les gens quittent avant tout leur responsable, et non pas leur travail. Gallup explique qu’avoir des employés mécontents et en mauvaise santé a un impact sur les performances, l’absentéisme, la satisfaction client, la qualité et les bénéfices de l’entreprise. Personne n’aime gérer la colère au travail, pourtant il est indispensable que les entreprises s’y attèlent.

La colère peut être source de changement et de justice sociale

La colère n'est pas forcément une mauvaise chose. La colère peut déclencher un changement positif, mais la colère seule ne suffit pas. Il faut utiliser la colère pour nourrir l’action, explique Amy Gallo. Aux États-Unis, par exemple, la colère contre les violences policières sur les personnes de couleur a poussé les citoyens à réclamer une plus grande prise de responsabilités au sein des communautés – et sur le lieu de travail. Les entreprises ont ouvertement condamné le racisme et ont été invitées à réévaluer leurs processus internes ainsi que leurs pratiques d’embauche.

La colère peut aussi consister à défendre une collègue lorsque vous êtes témoin de sexisme au travail ou à vous battre pour de meilleures conditions de travail. Ce qui compte c’est de canaliser la colère pour mettre en mouvement le changement. La juge de la Cour suprême, Ruth Bader Ginsberg, l’a très bien exprimé : « Luttez pour les choses qui vous tiennent à cœur, mais faites-le de manière à ce que les autres vous suivent ».

La colère peut déclencher un changement positif, mais la colère seule ne suffit pas. Il faut utiliser la colère pour nourrir l’action, explique Amy Gallo.

Comment les responsables peuvent-ils gérer la colère au travail ?

En tant que responsable, vous pouvez faire un certain nombre de choses pour mieux gérer la colère au travail, expliquent Mel Cottrell et Janelle McNally, spécialistes de la relation employé chez Zendesk.


  1. Un leader se doit de faire preuve d’empathie. Lorsque vous faites face à un conflit, il faut s’efforcer de prendre du recul et éviter de proposer une solution hâtive avant de bien comprendre l’ensemble situation.
    Essayez de voir les choses du point de vue de l’employé :
    Pourquoi réagissent-ils de cette façon ? Se peut-il que des facteurs externes alimentent leur ressentiment ? Sans nourrir leur colère, il faut reconnaître leur frustration et poser vos questions calmement.
    Ce type de conversation ne peut aboutir que si votre interlocuteur se sent suffisamment en sécurité pour se confier, et rien ne ternit la confiance plus vite que de se sentir réprimandé ou attaqué. Soyez honnête avec vous-mêmes : dans quelle mesure faites-vous partie du problème ? Surtout, assurez-vous de ne pas monopoliser la parole car c’est le moment d’être à l’écoute.

  2. Soyez proactif. « Chaque fois que vous le pouvez, essayez d’anticiper la colère et faites en sorte qu’elle n'ait plus lieu d’être », souligne Janelle McNally. Cela passe par favoriser le dialogue entre les membres de votre équipe et vous-mêmes.
    Pour encourager les employés sous leur responsabilité directe à s’exprimer, les managers doivent trouver un moyen de les faire sentir suffisamment en sécurité pour qu’ils disent réellement ce qu’ils pensent (même si cela est négatif).
    Selon le Harvard Business Review, dans le cadre d’une étude récente, 8 personnes sur 10 ont déclaré que leur patron avait un gros défaut dont tout le monde parlait en secret mais pas directement avec leur responsable. L’ignorance ne fait pas le bonheur : les responsables doivent montrer que donner son avis est une bonne chose et l’encourager.
    Faites en sorte que les réunions d’équipe ou les face-à-face avec les employés soient l’occasion de faire remonter leurs préoccupations. Vous pouvez tout simplement leur demander : « Que pourrai-je mieux faire ? »
  3. Faites de la santé mentale une priorité. Encouragez vos employés à utiliser des mécanismes de gestion de la colère sains (nous en parlerons plus tard). Du point de vue du leadership, défendez les intérêts de vos employés et faites-leur savoir qu’ils sont encouragés à prendre un jour de congé pour leur bien-être mental. Lorsque les employés se sentent soutenus, ils vous accordent toute leur confiance, ce qui est indispensable pour mettre en place un dialogue ouvert.
  4. Parlez aux RH. Si votre organisation dispose d’un service de ressources humaines, faites appel à lui chaque fois que vous avez des questions.
    Ceci est particulièrement important pour les questions relatives à la sécurité, à l’intimidation ou au harcèlement.

[À lire aussi : Aborder les sujets difficiles de front : Une conversation avec Amy Gallo]

Comment gérer sa colère (ou aider un collègue en colère)

Bougez

Vous avez envie de jeter votre chaise de bureau par la fenêtre ? Il s’agit peut-être juste d’un excès d’adrénaline. Pour l’évacuer, vous devez apporter plus d’oxygène à votre organisme. Allez faire une marche rapide, un tour à la gym ou dans une salle de conférence pour une session de danse en solo. Toute activité qui vous calme et vous change les idées fera l’affaire.

Donner de l'espace à la colère

Lorsqu’une personne se met en colère, elle n’est généralement pas dans un état rationnel. Sur le moment, la colère fait partie d’une réaction instinctive, un mécanisme de défense qui prépare le corps à se battre ou à fuir. L’adrénaline se propage dans le corps, les pensées s’emballent, le cœur bat rapidement et les muscles se contractent. Si vous êtes dans une réunion où le ton monte, il vous faudra mettre fin à la conversation et attendre que les émotions se calment. « N’essayez pas de nier le ressenti de votre interlocuteur », indique Amy Gallo.

L’idée n'est pas d’ignorer le problème ou de prétendre qu’il n’existe pas. Parfois, il suffit d’attendre un jour ou même une heure pour voir les choses différemment et prendre du recul. On regarde alors les faits et on se rend compte qu’on a craqué juste parce qu’on était affamé et de mauvaise humeur ou à fleur de peau à cause d’une dispute familiale. « Il faut laisser les gens ressentir les émotions négatives : il faut laisser de la place pour de telles émotions », explique Amy Gallo.

Parlez-en

C’est sans doute la partie la plus difficile. Lorsque le temps est venu d’avoir une conversation, vous devez garder votre sang-froid et rester focalisé sur votre objectif, quel qu’il soit (désamorcer une situation et mieux compréhendre la situation, ou trouver une solution). Nous ne sommes pas des robots, donc ce n’est pas la fin du monde si les interactions ne coulent pas toujours de source. Ce qui est indispensable, en revanche, c'est de rester calme et respectueux. Si vous sentez que la colère monte, il est fort probable que vous n’appréhendiez le problème que de votre point de vue. Changez de perspective.

Nous ne sommes pas des robots, donc ce n’est pas la fin du monde si les interactions ne coulent pas toujours de source. Ce qui est indispensable, en revanche, c'est de rester calme et respectueux.

S’exprimer à la première personne est un bon moyen de donner une tournure productive à la conversation, au lieu de se laisser aller à des accusation inutiles. Par exemple, il vaut mieux dire « Je me suis senti blessé lorsque vous avez élevé la voix contre moi lors de notre réunion » plutôt que « Vous m’avez crié dessus la dernière fois, espèce d’imbécile ».
En vous concentrant sur vos sentiments, au lieu d’être en colère contre ceux de votre interlocuteur, vous pourrez aider ce dernier à comprendre de quelle manière son comportement vous a affecté. Il est possible d’exprimer sa colère, mais le but est de s’assurer qu’elle ne dégénère pas.

[À lire aussi : Amy Gallo adore une bonne dispute. Questions-réponses avec la femme qui a écrit le livre sur le conflit.]

Prenez le temps d’y réfléchir

Transformez la colère en opportunité. Une fois que vous êtes en mesure d’identifier le sentiment de colère, vous êtes également capable d’en examiner les causes sous-jacentes. Faut-il apporter des changements de fond au système ? Êtes-vous frustré parce que vous avez l’impression qu’on ne vous écoute pas assez ? Ou bien êtes-vous en colère contre vous-même et pensez-vous devoir gérer les choses différemment la prochaine fois ?

Analyser vos pensées et vos sentiments peut vous permettre d'y voir plus clair, mais parfois vous finissez par vous rendre compte que ce qui vous met en colère est hors de votre contrôle.
Si avez l’impression de ne pas être assez entendu ou si vous êtes vraiment malheureux, il est peut-être temps de chercher un nouveau poste. « Si vous ne pouvez pas changer les choses qui vous mettent en colère ou si vous ne pouvez pas changer la manière dont vous réagissez face à elles, il faut vous demander si c’est une bonne idée de rester dans cet environnement de travail », explique Amy Gallo.

La colère n’est pas forcément une mauvaise chose.

Montrer sa colère au travail est une prise de risque. Personne ne veut envenimer ses relations dans un accès de colère. Mais exprimer sa colère montre que les choses nous importent, et cela peut amener des changements qui profitent à tout le monde.

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